Au Cameroun, les coupures d’électricité sont thérapeutiques

18 mars 2015

Au Cameroun, les coupures d’électricité sont thérapeutiques

Dans une ville d'étudiants où il n'y a pas d'électricité à la veille des examens, tout le monde trouve des solutions.
Dans une ville d’étudiants où il n’y a pas d’électricité à la veille des examens, tout le monde trouve des solutions. Crédit photo: cameroonvoice.com

Mon pays c’est mon pays. Remplacez mon pays par Cameroun, ça vous donnera cette célèbre citation coloniale qui sert d’explication à tout ce qui y est absurde. Il y a quelque temps j’ai, décidé de ne plus regarder d’un mauvais œil ce qui y est mal bien fait.

Tout ce qu’on fait au Cameroun, telles les coupures d’électricité, c’est pour atteindre l’émergence à l’horizon 2035. Tout y est bien. Ici, les coupures d’électricité par exemple, ont des vertus thérapeutiques. Avec les coupures d’électricité, ENEO continue l’ingénierie de la thérapie longtemps pratiquée par ses prédécesseurs dans le secteur de l’électricité. Avec ENEO, les coupures d’électricité sont des thérapies.

Contre le surmenage et les têtes bien pleines

À Dschang, ville universitaire où je vis, tous les étudiants savent qu’à partir de mi-janvier, il y a des interruptions régulières d’électricité chaque soir. Ceci est très embarrassant mais vu sous un autre œil, c’est toute une autre chose. La société nationale en charge de l’électricité n’a-t-elle pas fait le constat selon lequel les étudiants ne lisent jamais leurs cours pendant les mois précédant celui de janvier, se livrant ainsi à un rythme infernal de préparation des examens de février à partir du milieu du premier mois de l’année ? Il semble que ces interruptions de l’énergie électrique à cette période, à partir de 18 h surtout, sont thérapeutiques pour les étudiants.

À force d’imposer un rythme infernal à leur cerveau pendant une certaine période dans l’optique de tout mémoriser, les étudiants courent deux risques : se surmener et être des têtes trop pleines. Du coup, tous ces étudiants, à partir de la deuxième année, préparent les examens de la session de février chaque jour, dès la rentrée en octobre. Ainsi, ils ne courent plus le risque de s’exposer au surmenage. Grâce à la société d’électrification qui leur impose un rythme normal et pédagogique de travail, les cops ont des têtes bien faites sur la durée et non trop pleines dans la précipitation. Comprenez pourquoi elle est la meilleure université camerounaise avec surtout de meilleurs éléments.

La ville de Dschang le février 2015. A l'Université, c'est la période des examens de fin de premier semestre.
Le centre-ville de Dschang le février 2015. A l’Université, c’est la période des examens de fin de premier semestre. Crédit photo : Symaro Mebego

Pour la paix dans les couples

À Dschang, à chaque fois qu’il pleut fortement et qu’il fait très frais, la conséquence logique est qu’il y aura coupure d’électricité. Par ces coupures, la société nationale d’électricité semble non seulement protéger son matériel, mais surtout préserver l’harmonie dans les couples. Lorsqu’il fait frais, les couples ont besoin de canaliser leur chaleur. Le plus souvent, le simple refus d’un membre peut entraîner des problèmes sérieux dans le couple. Comme thérapie, pas de lumière, pour permettre à chaque membre du couple de ne trouver aucune excuse du genre « j’ai un travail à terminer », « Je dois regarder ma ‘‘télénovelas’’ à Canal 2 », etc. Tout le monde au lit et que vive, dans le noir, l’harmonie dans les couples.

Un mototaximan qui appelait en vain sa petite amie allée profiter du 8 mars dimanche dernier, me faisait savoir que le 9 mars était la « journée internationale de la femme battue ». Pour éviter la tenue de cette dernière journée, la société nationale d’électricité a aussi trouvé une thérapie. Chaque 8 mars à Dschang, depuis 2011, il y a interruption de l’alimentation électrique dès 15 h au moins. Ceci permet aux femmes qui veulent soulever leur « kaba » pour montrer au monde la propriété privée du chef de famille, de rentrer à la maison et de retrouver la place qui leur revient de droit. Ainsi, on évitera de vivre la journée de la femme battue. Bonne thérapie de paix dans les couples !

Pour l’unité nationale

Dans sa mise en œuvre avec la fusion d’ENELCAM et de la POWERCAM, la Société nationale d’éectricité (SONEL) devait être une structure symbole de l’unité nationale. ENEO, tout comme l’a fait AES SONEL avant elle, joue pleinement ce rôle, en toute privatisation, à chaque fois que l’unité nationale est menacée. La preuve avec les matchs de l’équipe nationale.

Depuis un certain temps, la côte de popularité des Lions a baissé au sein de la population camerounaise. Du coup, les gens ne veulent plus regarder leurs matchs et préfèrent suivre d’autres programmes. Ceux qui gardent une petite fibre de patriotisme préfèrent les regarder seuls, chez eux. Les plus grands lieux de rassemblement des supporters sont les ventes à emporter, les bars. Ici se vit une double unité nationale : celle des matchs des Lions et celle de la consommation des boissons. Pour ramener les Camerounais vers l’unité nationale, la société nationale d’électricité interrompt l’alimentation électrique pendant les matchs. Du coup, ceux qui regardaient en solitaire les matchs des Lions à la maison doivent le continuer dans le bar le plus proche qui a affrété un générateur, question de vivre la suite. Le Camerounais qui devait regarder autre chose que le match, ne pouvant plus rien faire sans électricité chez lui et impuissant aux manifestations patriotiques provoquées par les autres à chaque occasion manquée ou but des Lions, se rendra « sans pression » vers ces lieux où se vivent la véritable unité nationale. Nouvelle thérapie !

Vu sous l’angle des bienfaits qu’elles apportent, on ne peut plus dire que les coupures d’électricité faites par la société en charge de sa production et de sa distribution le sont pour le malheur des Camerounais. Si les coupures sont régulières, c’est parce que c’est thérapeutique. Et la thérapie doit se faire de temps en temps. Regardons souvent les choses du bon côté et on ne verra pas que du mal. Vraiment !

 ENEO, the Therapy of Cameroon !

Dschang le 18 mars 2015

Marius M. Fonkou

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Commentaires

Fotso Fonkam
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Hahahaha à quelque chose malheur est donc bon. Bel article.

mfonkou
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C'est très clair Will. Peut qu'en regardant les choses de cette manière on comprends les sociétés qui nous fournit l'énergie électrique.